La tombe de Ramsès II

LA TOMBE DE RAMSÈS II [KV.7 - VALLÉE DES ROIS] ET LES VESTIGES DE SON TRÉSOR FUNÉRAIRE

Christian LEBLANC
Directeur de la Mission Archéologique Française de Thèbes-Ouest
(UMR 8220 CNRS Sorbonne Université/LAMS-ASR

La Mission Archéologique Française de Thèbes-Ouest (MAFTO) fouille et étudie, depuis 1993, la tombe KV.7 aménagée dans la célèbre Vallée des Rois, où, après soixante-sept ans d'un règne particulièrement brillant, Ramsès dit "le Grand", fut inhumé. Les recherches y sont menées dans le cadre d'une étroite coopération franco-égyptienne associant le CNRS et le Ministère des Affaires Étrangères (pour la France), le Centre d'Etude et de Documentation sur l'Ancienne Egypte et le Conseil Suprême des Antiquités (pour l'Égypte). De surcroît, les équipes bénéficient d’un partenariat technologique (INSIGHT), dont l’un des objectifs est de pouvoir mettre en œuvre, après l’achèvement des fouilles et des travaux de restauration, une valorisation de cette sépulture implantée sur un site inscrit, par l'Unesco, à l'inventaire du patrimoine culturel de l'Humanité.

Après une longue période d'abandon, la tombe de Ramsès II qui n'avait jamais été systématiquement déblayée, connaît un regain d'intérêt et fait l'objet d'études et de recherches pluridisciplinaires. Son emplacement, à l'embouchure de la Vallée des Rois, explique sa lente dégradation due, en grande partie, au contexte géologique, mais surtout aux pluies torrentielles dont elle fut, au cours des siècles, un réceptacle privilégié. Aujourd'hui, après plusieurs campagnes de fouille, son dégagement est presque terminé : seuls le puits et deux chambres latérales bordant l’un des corridors, restent à déblayer. Mise en chantier avant la fin de la seconde année du règne de Ramsès II, comme le suggère l'orthographe du nom de couronnement que contiennent les cartouches du premier corridor, la tombe royale a sans doute nécessité entre dix et douze années de travail. Sa décoration a été entièrement achevée ainsi que le prouve l'examen minutieux de toutes les parois sur lesquelles, ici et là, subsistent des lambeaux de reliefs et de peintures. Le répertoire iconographique est sensiblement le même que celui qui a été mis en place dans la tombe de Séthi Ier. Outre les scènes d'offrandes traditionnelles, de grands recueils funéraires y ont trouvé une place honorable: Litanies du Soleil (premier corridor), Livre de l'Amdouat et Livre des Portes dont les divisions sont réparties sur les murs de plusieurs corridors et chambres, Rituel de l'Ouverture de la bouche (quatrième et cinquième corridors), Livre de la Vache du Ciel (chambre-annexe N) et Livre des Morts, dont certains chapitres, accompagnés de leurs vignettes, couvrent les parois de l'antichambre [I] (chapitre 125) ou de la chambre-annexe [Q2] (chapitres 149-150).

De même que celles des autres souverains inhumés dans la Vallée des Rois, on sait que la tombe de Ramsès II a été profanée dans l'Antiquité. Grâce au Papyrus des Grèves de Turin, daté de l'an 29 de Ramsès III, on apprend qu'elle fut l'objet d'une tentative d'effraction, tout comme la sépulture préparée, sur l'autre versant, pour les enfants du roi (KV.5). À la suite des pillages qui marquent la fin de la XXème dynastie, la momie de Ramsès fut mise provisoirement à l'abri dans la tombe de Séthi Ier, par les prêtres, avant de trouver refuge en un lieu plus sûr : la "Cachette de Deir el-Bahari" où elle fut retrouvée en 1881.

C'est, en fait, à H. Salt, Consul d'Angleterre, que l'on doit, en 1817, l'initiative d'un premier mais très partiel déblaiement de la tombe, opération qui fut reprise tout aussi ponctuellement, en 1829, par J.-F. Champollion. C'est encore en rampant que R. Lepsius s'enfonce, vers 1844-45, jusqu'au fond de la sépulture, explore les salles envahies de sédiments et dresse le premier plan de l'hypogée. Lorsque Th. Davis obtient la concession de la Vallée des Rois, il entreprend, en compagnie de H. Burton, quelques fouilles dans la tombe de Ramsès II (1913-1914), travaux qui seront repris par H. Carter (1917-1921), tant à l'intérieur que dans les parages immédiats de la sépulture. Au cours de ces recherches, devaient apparaître les premiers vestiges du mobilier funéraire royal, ceux-là mêmes qui figurent aujourd'hui dans les collections égyptiennes du Metropolitan Museum de New York et du British Museum de Londres.

De nouveau abandonnée pendant plusieurs décennies, la tombe de Ramsès II fut mise, dès 1993, au programme des recherches conjointes du CNRS (MAFTO) et du CEDAE, en complément du projet de recherche et de sauvegarde du Ramesseum sur lequel travaillaient déjà les équipes franco-égyptiennes. En raison de l'état dangereux des lieux, les nouvelles fouilles avancent lentement. Simultanément, une étude géologique est entreprise et, en collaboration avec le Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, une analyse détaillée de la structure de la tombe a pu être réalisée (notamment microgravimétrie et radar géologique). Parallèlement à ces interventions, l’équipe des restaurateurs de la MAFTO a établi un relevé systématique de l'état des parois, en vue de mettre au point, pour les différents cas observés, un traitement adéquat du décor pictural conservé.

Jusqu’en 2020, plusieurs campagnes ont été conduites, livrant d'importants résultats. Outre l’identification complète du programme iconographique, l’exploration de la tombe a également permis de retrouver des éléments du sarcophage et du réceptacle aux canopes de Ramsès II. Ces monuments, en calcite, ont été malheureusement fracassés par les pillards et c'est à un véritable puzzle que se trouvent confrontés, face à ces reliques, les égyptologues. L'étude des fragments du sarcophage royal permet, cependant, d'avoir un certain nombre d'informations sur son aspect et sa décoration. Momiformes, la cuve et le couvercle étaient entièrement gravés de scènes et de textes se référant aux divisions du Livre des Portes. Le réceptacle aux canopes, comme le suggèrent les vestiges mis au jour, avait été réalisé dans un seul bloc de calcite. Il comprenait quatre cavités de forme cylindrique, dans lesquelles avaient dû être introduits de petits sarcophages en or contenant les viscères royaux. Son aspect général pourrait être comparé à ceux d'Aménophis II et de Toutankhamon, conservés au Musée du Caire. Les bouchons qui devaient être à l'image de Ramsès, n'ont pas encore été retrouvés, mais il est permis d'espérer... Comme nous avons pu le constater lors de la fouille, ce monument prenait place, initialement, à proximité du sarcophage, dans une petite fosse de section carrée, aménagée pour le recevoir. Une telle installation n'a été reconnue que dans deux autres tombes royales : celles de Thoutmosis Ier et d'Amenhotep III. Particularité originale dans la tombe de Ramsès II, cette cavité était fermée, à mi-profondeur, par une trappe en calcaire dont les bords reposaient sur une margelle. Si la moitié supérieure permettait de loger le réceptacle aux canopes protégé en surface par une chapelle, tout porte à croire que d'autres objets devaient occuper la partie inférieure masquée par la trappe.

Dans les collections égyptologiques internationales sont connus plusieurs chaouabtis (statuettes funéraires) de Ramsès II : les uns en bois, d'autres en cuivre. Ils proviennent, incontestablement, des prospections conduites jadis dans la nécropole, mais ils sont loin d'égaler le spécimen recueilli lors d’une de nos missions. La figurine, malheureusement partielle, mise au jour dans la salle sépulcrale [J] est, par sa facture exceptionnelle, digne des meilleurs artistes de la Cour. En anhydrite bleutée, elle représente Ramsès II sous l'aspect momiforme avec le némès, les traits du visage et les contours de la coiffe étant soulignés en noir. Les pieds rapportés, retrouvés séparément, se raccordaient au reste de la statuette par un système de tenons et de mortaises. Ces découvertes successives encouragent, on en conviendra, la poursuite des recherches dans la "demeure d'éternité" de celui que ses contemporains appelaient : "le Grand Soleil d'Egypte".

La nomenclature de la tombe de Ramsès II (KV.7) :

(A). Escalier donnant accès à la tombe ; (P1). Porte donnant accès au premier corridor ; (B). Premier corridor (Litanies du Soleil) ; (P2). Porte donnant accès au deuxième corridor ; (C). Deuxième corridor (Litanies du Soleil) ; (P3). Porte donnant accès au troisième corridor ; (D). Troisième corridor (Livre de l'Amouat) ; (P4). Porte précédant le puits ; (E). Puits ; (P5). Porte donnant accès à la salle F ; (F). Salle à banquettes bordée de portiques ; P6. Porte conduisant à la salle F1 ; (F1). Salle à deux piliers ou "salle du/des char(s)" ; (P7). Porte donnant accès à la salle F2. (F2). "Trésor". (P8). Porte donnant accès au quatrième corridor ; (G). Quatrième corridor (Rituel de l'ouverture de la bouche) ; (P9). Porte donnant accès au cinquième corridor ; (H). Cinquième corridor (Rituel de l'ouverture de la bouche) ; (P10). Porte donnant accès à l'antichambre ; (I). Antichambre ou "salle des Deux Maât" ; (P.11). Porte donnant accès à la salle du sarcophage ; (J). Salle du sarcophage ou "chambre de l'or" ; (P12). Porte donnant accès à la première annexe latérale gauche ; (K). Première annexe latérale gauche ; (P13). Porte donnant accès à la deuxième annexe latérale gauche ; L. Deuxième annexe latérale gauche (Livre de l'Amdouat) ; (P14). Porte donnant accès à la salle M ; (M). Salle à deux piliers et à banquettes ; (P15). Porte donnant accès à la première annexe latérale droite ; (N). Première annexe latérale droite (Livre de la vache du Ciel) ; (P16). Porte donnant accès à la deuxième annexe latérale droite ; (O). Deuxième annexe latérale droite avec niche osirienne ; (P17). Porte donnant accès à la salle P ; (P). Salle à deux piliers et à banquettes ; (P18). Porte donnant accès la salle Q1 ; (Q1). Salle ; (P19). Porte donnant accès à la salle Q2 ; (Q2). Salle terminale de la tombe à deux piliers et banquettes.

Pour le programme iconographique de la tombe de Ramsès II, cf. Chr. Leblanc, Memnonia XX, 2009, pp. 195-211 et pl. LIV-LVIII ; Id., "The Tomb of Ramesses II (KV.7). From its Archaeological Excavation to the Identification of its Iconographical Program", Mitteilungen des Deutschen Archäologischen Instituts Abteilung Kairo, Band 66 [2010], Berlin, 2012, pp. 161-174.